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03/10/2007

Goethe (suite)

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Mais le succès de Götz n’est rien comparé à celui de Werther, qui fera pleurer toute l’Europe et que Napoléon lui-même prétendra avoir lu sept fois. Le sujet en est autobiographique. Les événements dont il s’inspire remontent à l’été précédent au cours duquel Goethe a connu un amour sans espoir pour une femme promise à un autre, tandis qu’au même moment un de ses amis, lui-même en proie à une passion impossible, se suicidait. Goethe, qui a connu cette tentation, se libère de ses propres tourments, en transformant en héroïne de roman la femme dont le souvenir le hante et en prêtant au malheureux Werther ses propres états d’âme. Autrement dit, en appliquant le principe que lui-même formule en ces termes : « Transformer en une image, en un poème, ce qui me réjouissait, ou me torturait, ou me préoccupait en quelque façon et régler ainsi mon compte avec tout cela, tant pour rectifier mes idées sur les objets extérieurs que pour faire régner la paix en moi ». Mais Werther, premier héros romantique à pousser le culte du moi jusqu’à ses conséquences extrêmes, est aussi la peinture du malaise dont souffre le siècle. « L’effet de ce petit livre fut grand, et même prodigieux, mais surtout parce qu’il arriva juste à son heure », écrira Goethe plus tard. Le succès – ainsi que le scandale – est en effet immédiat. Le roman déclenche une vague de suicides à travers toute l’Europe et donne le don à la mode vestimentaire : le costume bleu et le gilet jaune de Werther pour les hommes, la robe blanche à nœuds roses de Lotte pour les femmes. Goethe demeurera longtemps, notamment en France, « l’auteur de Werther ».

à suivre...

02/10/2007

Anecdote

Petite parenthèse dans la vie du grand monsieur que fut Goethe pour vous raconter une anecdote. Hier, je demandais à mes élèves de faire quelques phrases dont le but était de décrire les activités de tel personnage à tel moment de la journée. Comme la classe est assez faible (que dis-je? on ne peut plus faible, je crois que cette fois j'ai atteint le tréfonds), j'ai proposé l'activité à l'écrit avec la possibilité de bosser à deux. Je passe dans les rangs. Deux gamines se tournent les pouces. Je leur demande pourquoi elles n'essaient même pas vaguement de faire mon minuscule exercice. Réponse de l'une d'entre elles : "Moi, je comprends rien. Et pi de toute façon j'aime pas l'allemand et j'aime pas les Allemands". Comme j'enseigne au fin fond de la Meurthe-et-Moselle, limite Vosges, je me dis illico qu'en général, pour voir un Allemand dans ce genre de contrée perdue, il faut se lever tôt. Je réagis donc de la sorte : "Parce que tu en as déjà vu beaucoup, des Allemands, toi?" Réponse de la gamine : "Euh, ben, euh". Oui, c'est bien ce que je pensais. Voilà donc mon lot quotidien et je sais, pour en avoir déjà longuement discuté avec d'autres collègues, que je ne suis pas la seule à essuyer régulièrement ce genre de remarques. Quand on dit Espagne ou Italie, tout le monde pense soleil et plage, mais quand on dit Allemagne, beaucoup voient encore une grosse croix gammée ou que sais-je encore. Mais pourquoi l'allemand a-t-il donc si mauvaise presse? Pourquoi la jeunesse actuelle, qui, que je sache, n'a pas trop souffert de la dernière guerre mondiale, remet-elle si souvent sur le tapis le nazisme, Hitler et compagnie, oubliant si promptement que quelques décennies sont passées depuis? Je ne compte plus les films dans lesquels la langue allemande est tournée en ridicule, vomie par des affreux beuglants et tonitruants, le genre de personne que pour ma part, je n'ai pas rencontrée très souvent outre-Rhin...
Le prof d'allemand a plus de mérite que ses collègues, n'ayons pas peur de le dire haut et fort : il lui faut garder le feu sacré alors que partout on lui fait sentir qu'il n'est que toléré et que, tiens, s'il y avait moyen de faire espagnol ou italien, on n'irait tout de même pas s'embêter à apprendre la langue de ce crétin de ... comment vous dites déjà, Goette?!!!

 

28/09/2007

Goethe

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Quelle belle surprise de découvrir, dans le magazine Lire d’octobre, une mini-biographie de Goethe ! Voilà un auteur que je n’ai appris à apprécier que sur le tard. Bizarrement, quand j’avais 17 ans et l’esprit pourtant bien romantique, Les souffrances du jeune Werther ne m’avaient pas enchantée… Ce n’est qu’en 2003 que j’ai réellement fait la connaissance de Goethe. Son West-östlicher Divan était au programme de l’agreg et c’est avec une grande curiosité que je me suis plongée dans l’univers du poète vieillissant. C’est alors que j’ai découvert un homme, un poète, un monument…

Rien que pour vous, dans les billets qui vont suivre, je vais recopier les pages consacrées à Goethe dans le dernier Lire. Elles sont signées Jean Blain et sont excellentes. (En revanche, je passe l’introduction).

  

« Dans son autobiographie, Poésie et vérité, Goethe peint les premières années passées à Francfort, où il naît en 1749 dans une famille de la bourgeoisie patricienne, comme des années heureuses où tout concourt au développement de ses dons, entre un père soucieux de sa formation intellectuelle et une mère aimante qui éveille sa sensibilité et développe son imagination. Le père, juriste et conseiller de l’Empire, qui souhaite voir son fils embrasser une carrière juridique, l’envoie, en 1765, étudier à Leipzig. Peu assidu aux cours de droit, Goethe y compose ses premiers poèmes et y dessine.

Mais c’est à Strasbourg, où il poursuit ses études, entre 1770 et 1771, qu’ont lieu les rencontres décisives, dont celle de Herder, de cinq ans son aîné, qui lui fait connaître la Grèce et l’Orient, l’initie au charme du Moyen Age et du passé allemand, et l’invite à courir la campagne alsacienne pour y recueillir les chants populaires. Goethe découvre également l’art gothique et est saisi d’admiration au spectacle de la cathédrale de Strasbourg : « Quel ne fut pas le sentiment inattendu qui m’assaillit avec étonnement lorsqu’elle se découvrit à ma vision ! Une impression totale et majestueuse remplit mon âme. (…) A l’instar des œuvres de la nature, tout ici, jusqu’au plus infime filament, est conforme et concourt à la finalité du Tout ». Le séjour alsacien est aussi le temps du premier grand amour, pour Frédérique Brion, fille de pasteur rencontrée dans un village proche de Strasbourg, qui inspire à Goethe des vers – comme Mailied (« Chant de mai »), Heidenröslein (« Petite rose de la lande ») et Willkommen und Abschied (« L’accueil et les adieux ») – qui, loin des compositions convenues des années précédentes, inaugurent, par leur rythme et leur légèreté, un style et un ton nouveaux dans la poésie allemande.

 

Goethe, de retour à Francfort, se sent désormais appelé à un destin hors du commun. Il se compare à Prométhée, symbole à ses yeux de la toute-puissance créatrice de l’artiste. Ces années d’intense production vont donner naissance aux premiers grands poèmes ainsi qu’à deux œuvres – un drame, Götz von Berlichingen (1773), et un roman par lettres, Les souffrances du jeune Werther (1774) – qui vont faire de Goethe l’un des principaux représentants, avec Schiller, du Sturm und Drang (littéralement « tempête et élan »), ce mouvement préromantique, tout à la fois politique et littéraire, qui se réclame de Rousseau et de Shakespeare, et fait valoir les droits du sentiment et de l’individu contre le rationalisme des Lumières et les valeurs morales de la vie bourgeoise. Goethe emprunte le sujet de Götz von Berlichingen à l’histoire allemande et fait d’un Bayard germanique du XVIème siècle un héros au grand cœur, dont la bravoure et la droiture conquièrent d’emblée la jeunesse allemande révoltée.