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15/03/2015

Die Frau auf der Treppe

 

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De Bernhard Schlink, on connaît tous (ou presque) le magnifique Vorleser, Le liseur, roman où l’auteur explorait avec une sensibilité profonde la notion de culpabilité. Celle d’un homme ayant, lorsqu’il était adolescent, aimé follement une femme au passé plus que trouble, celle de tout un peuple aussi. La question omniprésente en filigrane se résume en peu de mots : avoir aimé un coupable fait-il de nous un coupable ?

Depuis cet immense succès, Schlink continue à démêler les écheveaux des sentiments humains, nous entraînant au fil de ses romans dans les dédales complexes qui lient les êtres ou les éloignent. Nous voilà boiteux, mis hors d’haleine par le parcours sinueux que nous fait emprunter l’écriture sobre et plaquée de Schlink. Son métier (juriste) influencerait-il sa manière d’écrire ? Je ne suis pas loin de le penser. Il s’agit bien souvent, dans les romans de cet auteur, d’une sobre exposition des faits. Les choses sont dites en surface, les larmes retenues à l’intérieur, mais leur latence ne fait aucun doute.

J’aime cette écriture « posée », qui dit les choses en les effleurant du bout de la plume. Ou plutôt : qui insinue les choses plus qu’elle ne les expose. Tout est dans la délicatesse des impressions, et cela confère une poésie subtile à l’ensemble.

Le dernier roman de Schlink, Die Frau auf der Treppe, n’échappe pas à cette règle. J’ai lu quelque part une critique reprochant à l’auteur ce style épuré qui fait qu’on le reconnaîtrait entre mille. C’est précisément ce trait caractéristique que j’admire. On lit trois paragraphes et, d’emblée, on sait que c’est du Schlink, et que l’on va partir avec lui explorer le passé dans une course effrénée. Peu de répit dans cette écriture haletante, à la respiration corsetée.

Die Frau auf der Treppe, c’est l’histoire d’un homme (le narrateur) qui, autrefois, a aimé éperdument une femme, Irene. Ils étaient censés fuir tous deux le carcan quotidien qui les oppressait, ils devaient se rejoindre un jour précis et tenter de vivre ensemble. Mais Irene ne vint jamais au rendez-vous fixé. L’homme finit par se marier avec une autre femme, il fait des enfants avec elle. Mais toujours, au fond de lui, il pense à Irene, celle avec qui il aurait pu, il aurait dû s’en aller.

Il finit par la retrouver en Australie. Tous deux sont âgés à présent. Irene est gravement malade. L’homme décide alors de rester à son chevet et de s’occuper d’elle jour et nuit. Il la soigne comme un père soignerait sa progéniture, guettant la moindre fièvre, le moindre tremblement. D’ailleurs, durant cette longue veille, il pense à ses propres enfants, justement, à tout ce qu’il a manqué avec eux, aux mots qu’il aurait fallu leur dire et qui sont restés à jamais étouffés… Irene lui demande de lui dépeindre quelle vie ils auraient eue ensemble si elle l’avait rejoint comme prévu. L’homme se lance alors dans un récit détaillé, qu’il choisit de mener au passé, et non au conditionnel. L’emploi de ce passé vient annuler tous les ratages, il rend possible une vie meilleure, plus belle, plus intense. Si on peut la raconter, c’est donc qu’elle a eu lieu ! Une grande beauté plane sur l’ensemble. Et l’on se remémore ce passage du début : « Zum Jungsein gehört das Gefühl, alles könne wieder gut werden, alles, was schiefgelaufen ist, was wir versäumt, was wir verbrochen haben. Wenn wir das Gefühl nicht mehr haben, wenn Ereignisse und Erfahrungen unwiederbringlich werden, sind wir alt. » Ces mots disent, en substance, que ce qui caractérise la jeunesse, c’est le fait de sentir au fond de soi que tout peut encore être amélioré, réparé, et que la vieillesse, elle, ne peut que constater amèrement les dégâts sans plus pouvoir y remédier. Si cela est vrai, on peut dire que les deux protagonistes prennent ensemble un bain de jouvence à l’automne de leur vie. Les échecs s’annulent, Irene est venue au rendez-vous.

J’ai dévoré ce livre, je l’ai adoré, je l’ai lu à une folle allure, sentant en moi la nécessité de vivre intensément dès aujourd’hui, sans remettre à demain !