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07/05/2015

Non à la réforme du collège !

 

Comme beaucoup d’enseignants, je suis dépitée à l’heure qu’il est. J’enseigne l’allemand depuis 19 ans. Dès le début, cela a été compliqué, il a souvent fallu batailler pour avoir des élèves, aller porter la « bonne parole » dans les écoles primaires afin d’informer les gamins, mais aussi leurs enseignants et leurs parents. Combien de fois a-t-il fallu les rassurer ! Non, l’allemand n’est pas si difficile que ça, il suffit d’appliquer des règles de grammaire qui ne comportent pas beaucoup d’exceptions, et le tour est joué. Il suffit aussi, surtout, de bien vouloir se débarrasser de quelques préjugés que personnellement je trouve d’un autre âge. Des préjugés qu’on a enracinés dans la tête du peuple à coups de films où toujours les Allemands sont caricaturés, beuglant des ordres à la manière de Hitler. Comment convaincre ensuite ce même peuple que la langue de Goethe est d’une grande poésie et d’une richesse inimaginable ? Les médias font un travail de sape, les parents d’élèves gardent parfois un souvenir douloureux de leurs cours d’allemand et ne souhaitent pas « infliger » la même chose à leurs chérubins. De grâce, comme disaient les anciens, si tu n’aimes pas la soupe, n’en dégoûte pas les autres ! Et si la réelle ouverture d’esprit consistait justement à laisser son gamin s’aventurer là où l’on a soi-même échoué ? Qui sait, peut-être y prendra-t-il du plaisir ! Pour ma part, je n’ai jamais été brillante en maths (c’est un doux euphémisme), mais jamais je n’ai tenté d’en dégoûter ma fille, pour qui cette matière est un jeu plus qu’un embrouillamini de problèmes ! Je suis amusée, et même ravie, de la voir s’appliquer avec plaisir à faire ses exercices de maths ! Bref…

La langue de Goethe n’a plus bonne presse, et le phénomène ne date pas d’hier. Déjà quand je me suis décidée pour des études d’allemand, certains avaient essayé de me dissuader de faire ce choix, les postes au Capes étant limités du fait du manque d’engouement pour cette langue. Je me suis obstinée parce que je ne me voyais pas faire autre chose. Cette langue m’avait conquise, prise dans ses mots à rallonges contenant leur propre définition, alors impossible de faire marche arrière, même si par ailleurs j’adorais également l’italien et aimais beaucoup l’anglais !

Le système scolaire a tenté de multiples opérations de sauvetage de l’allemand. On a vu fleurir il y a une dizaine d’années des ludothèques, des sections européennes et des classes bilangues dans des établissements où l’allemand commençait à battre de l’aile. Cela a permis de sauver des postes, mais surtout cela a permis de maintenir un peu de diversité dans le tout anglais et le trois quarts espagnol !

Et voilà qu’une énième réforme de l’enseignement est sur le point de venir saper tous ces dispositifs. Si l’on supprime les sections européennes, quels élèves pourront suivre un cursus Abibac ? Uniquement les enfants ayant eu la chance de grandir dans un milieu totalement bilingue ? Ce serait en contradiction totale avec la soi-disant volonté du gouvernent de mettre fin à l’élitisme. Et quoi ? Dans cinq ans, quand on verra que les effectifs diminuent dans les sections Abibac, on mettra la clé sous la porte, arguant du manque d’engouement pour ce genre de dispositif.

Comme l’a très bien dit l’ADEAF, cette réforme met en péril la collaboration franco-allemande. Cela fait des années qu’on nous rebat les oreilles avec le couple franco-allemand, moteur de l’Europe, mais la réalité ne s’accorde pas avec les beaux discours officiels qui nous enfument. De même, la Ministre nous ment quand elle prétend que cette réforme est une chance. Elle dit que les élèves qui ont commencé l’allemand à l’école primaire pourront continuer cette langue au collège. Il faut savoir que les écoles primaires proposant de l’allemand sont de plus en plus rares. Seuls les départements de la Moselle, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin résistent, grâce à leur situation géographique. Mais en Meurthe-et-Moselle, dans la Meuse et les Vosges, départements qui ne sont pourtant pas si loin de l’Allemagne, rares sont les écoles primaires qui proposent de l’allemand ! Les propos de madame Vallaud-Belkacem ne tiennent donc pas la route. Hier, j’ai assisté à deux tables rondes au Goethe-Institut de Nancy. Ordre du jour : la réforme du collège. Tous les enseignants présents dans la salle avaient les mêmes inquiétudes, et je ne pense pas que les interventions des uns et des autres aient été de nature à les rassurer !

Outre-Rhin, on s’inquiète aussi. Et je dirais même qu’on va finir par nous prendre pour des charlots ! Quand un gouvernement célèbre chaque 22 janvier avec son voisin un traité comme celui de l’Elysée, quand ce même gouvernement reconduit d’année en année les engagements pris en 1963 par de grands hommes, il n’a pas le droit, me semble-t-il, d’aller donner ensuite de tels coups de canif dans le contrat, réels coups de poignard dans le dos, oui !

Il faut se mobiliser et continuer à refuser cette réforme qui va faire un massacre dans une Ecole déjà terriblement fragile. Je ne parle pas que du désastre qui va s’abattre sur ma matière, je pense également à toutes les disciplines que l’on va abîmer pour de longues décennies.

Alors, chers collègues, le 19 mai, tous dans la rue ! Et il faut bien expliquer les tenants et aboutissants de cette réforme aux parents, qu’ils n’aillent pas dire que les enseignants sont toujours en grève, rois de l’immobilisme, réfractaires à toute réforme. A bon entendeur salut !