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16/06/2016

April, un livre d'Angelika Klüssendorf

Cover: April

C'est une jeune femme un peu paumée qui flirte toujours avec des ambiances déjantées. Elle s'appelle April. Du mois d'avril, elle a toutes les contradictions, les sautes d'humeur et les fougues. Elle étouffe et s'étiole dans une RDA étriquée. Elle se perd dans des histoires d'amour qui ne lui correspondent pas. Bref, rien de folichon dans cette vie qui ne fait pourtant que commencer. La maternité, qui lui tombe dessus sans crier gare, alors qu'elle ne l'a pas franchement désirée, ne fait pas d'elle une femme comblée, loin s'en faut ! Ce qu'elle veut, c'est se libérer avant tout, et comme tant d'autres, du carcan de la République Démocratique Allemande. Passer de l'autre côté. Pas besoin de s'enivrer du rêve américain, le rêve ouest-allemand suffit amplement. April finit par obtenir un visa pour partir. Elle s'installe à Berlin-Ouest et n'aura désormais plus le droit de retourner de l'autre côté, où elle devient du jour au lendemain persona non grata ("unerwünschte Person"). Comme d'autres naviguent entre deux âges, elle naufrage entre deux pays. Comment ne pas se sentir submergée par le tohu-bohu capitaliste, ses néons agressifs, ses enseignes aveuglantes, ses parfums assommants à chaque coin de rue ? Aussi étrange que cela puisse paraître, April a le mal du pays. Elle rêvait d'une autre Allemagne, certes, mais celle qu'on lui inflige en monnaies sonnantes et trébuchantes ne sied pas à ses attentes.

Nous sommes à la fin des années 70 et, déjà, dans le drame de cette femme, se profile celui qui s'abattra sur des millions d'Allemands de l'Est en 1989. On leur avait vanté les joies du capitalisme, et ils n'en voient dans un premier temps que les revers. Et puis, où pourraient-ils donc accrocher leur nostalgie puisque le pays qu'ils regrettent n'existe plus, n'est plus qu'un sigle en trois lettres, très vite effacé par la buée du temps ?

C'est au cours d'un voyage en Italie qu'April se découvrira Allemande de l'Ouest, et cela nous dit que nos points d'ancrage ne nous apparaissent peut-être que furtivement, dans l'éloignement et ce que la langue allemande appelle si joliment le "Heimweh".

Ce livre brosse le portrait d'une femme, mais aussi celui d'un pays blafard appelé à disparaître et qui aura toutes les peines du monde à reconnaître son reflet dans les vitrines étincelantes de l'Ouest. C'est un roman qui dépeint à merveille les fêlures d'une jeune femme qui a du mal à se trouver, et aussi les fractures d'un pays qui fut deux, avant de traverser une période confuse et transitoire où il ne sut plus bien ce qu'il était. Décidément, la littérature allemande regorge de drames...