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07/11/2009

20 ans déjà !

 

Vous avez vu ça ? En ce moment, on entend parler de l'Allemagne à tous les coins de rue ! Je biche, évidemment ! 20 ans déjà que le mur est tombé... Je me souviens encore assez précisément de ce 9 novembre 1989 qui changea la face du monde, piétinant enfin cette aberration qu'était la division de l'Allemagne... Les images de tous ces Allemands se retrouvant, s'enlaçant, pleurant parfois à chaudes larmes, m'avaient retourné le coeur. A l'époque, je commençais tout juste à aimer l'allemand. Je ne savais pas encore que je « finirais » prof d'allemand. C'est le destin, comme disent certains. Ma vocation, pour faire pompeux ! En 1993, âgée de 20 ans tout juste, je partais vivre et étudier à Leipzig. J'allais découvrir l'Est. Le charbon qu'il fallait aller chercher dans la cave quand on voulait prendre un bain chaud. Les Trabant qui faisaient un potin d'enfer. Les maisons délabrées. Le désarroi des uns, la joie des autres : aux yeux de certains Allemands de l'Est, tout était allé trop vite, ils ne parvenaient pas à prendre leurs marques dans le grand monde capitaliste. Pour d'autres, la réunification fut une délivrance. J'ai eu la chance de côtoyer les deux points de vue. La dame chez qui je vivais à l'époque, par exemple, était communiste jusqu'aux os ! Et regrettait le rideau de fer ! Et ponctuait ses phrases de mille et uns « zu DDR-Zeiten », toujours pour souligner les aspects positifs et imbattables du régime est-allemand. Mon ami R., lui, grand inadapté, me disait régulièrement qu'il n'avait jamais trouvé sa place dans le système communiste, mais que c'était encore pire maintenant qu'il n'existait plus. Moi, je ne pouvais que boire les paroles des uns et des autres, me tenir en retrait, poser quelques questions, mais jamais je n'aurais osé faire un commentaire. J'avais grandi à des lieues de tout cela, impossible de dire ce que j'en pensais...

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Claudia Rusch, elle, a grandi les deux pieds dedans. Et s'est toujours sentie mal en RDA. Dans un livre puissant, Meine freie deutsche Jugend, elle a relaté d'une façon grandiose ses souvenirs est-allemands. Un livre dont il fut question ici l'année dernière, en décembre. Aussi, lorsque j'ai appris que madame Rusch, la grande, l'unique, allait venir à l'institut Goethe de Nancy, ai-je tout de suite su qu'il était de mon devoir d'aller l'écouter ! Jeudi soir, elle lisait quelques-uns de ses textes à l'institut Goethe. Et j'ai appris que des élèves d'un lycée de Nancy doté d'une section Abibac avaient traduit le livre Meine freie deutsche Jugend, sous la houlette de leur prof d'allemand. Claudia Rusch s'est réjouie : le titre retenu, La Stasi derrière l'évier, était celui auquel elle avait pensé pour la version allemande. Mais la maison d'édition avait émis de sérieuses réserves, et il avait fallu obtempérer. Claudia Rusch garde un souvenir amer de ce qu'elle a vécu en RDA. Elle en a toujours voulu à ce système qui enfermait ses citoyens. Cette femme est à la fois drôle et émouvante. Elle sait faire preuve de beaucoup d'humour, mais sait aussi donner libre cours à ses émotions ... se reprenant très vite cependant : « Si je me mets à pleurer ici et vous aussi, on va se trouver honteux après, c'est sûr. On va éviter » ! Malgré tout, elle avait presque des sanglots dans la voix en évoquant ses parents, à qui elle a rendu un magnifique hommage jeudi. « Je me suis demandé, après la chute du mur, ce que j'aurais fait s'il n'y avait pas eu la réunification. Je crois que j'aurais fini par quitter la RDA. Mais, étant fille unique, je me suis toujours sentie coupable de vouloir infliger une telle séparation à mes parents. En 1996, un de nos amis nous demanda, à mes parents et à moi, ce que nous aurions fait si le mur de Berlin n'était pas tombé. Et mes parents de lui expliquer qu'ils avaient déjà tout prévu pour ma fuite parce qu'ils savaient que jamais je n'aurais pu être heureuse en RDA ». On comprend que Claudia Rusch soit émue lorsqu'elle rapporte ce genre de propos...

J'ai passé une soirée magique, vraiment ! Le monde sans le mur de Berlin a 20 ans. C'est le plus bel âge de la vie, non ? Alors, Champagne !

04/09/2009

La langue de Goethe...

 

J'ai effectué ma pré-rentrée mardi, j'ai assuré mes premiers cours (oh, je ne sais pas si j'ai assuré, en tout cas, j'ai fait mes premiers cours !) hier, c'est-à-dire jeudi. Et je dois avouer que je suis contente, oui, contente de retrouver certaines bouilles bien connues, contente d'en découvrir d'autres. Et je ne me lasse pas (pas encore ?) de ce métier qui peut être parfois si enrichissant. Car il arrive que l'on aille d'étonnement en étonnement, voire d'émerveillement en émerveillement. Je reconnais que j'ai de la chance et que je récupère un peu, grâce à ma matière, la crème du bahut. Mais pas toujours non plus !!! Je ne vais pas rougir de ce privilège, l'allemand morfle suffisamment par ailleurs. L'allemand a mauvaise presse, toujours, malgré Tokio Hotel, malgré je ne sais trop quoi ou qui. D'une façon générale, aux yeux de bien des élèves, cela reste une langue moche et difficile. Avoir un point de vue aussi étroit, quelle tristesse ! Ne pas se donner les moyens de vérifier si l'on a raison ou tort, quel dommage ! Mes pauvres amis, vous passez à côté d'une langue merveilleuse, ultra poétique, extrêmement précise, incroyablement riche et belle. Enfin, tant pis pour vous !!! Et tant mieux pour les autres, les bienheureux qui choisissent d'étudier cette langue ! Je reviens à mes moutons : je fais parfois des yeux tout ronds devant ce que peuvent me dire les élèves. L'année dernière, leur demandant s'ils connaissaient des villes allemandes, j'avais été sidérée par la réponse d'un gamin : « Moi, madame, je connais Ulm parce que c'est la ville natale d'Einstein » !!!!! Ce matin, je signale à mes élèves de 6ème l'existence du formidable Institut Goethe de Nancy et là, une fille lève le doigt et me dit : « Ah oui, je connais, je passe souvent devant avec mes parents et j'ai même déjà fait des recherches pour savoir qui était Goethe ». Alléchée, je demande : « Ah ? Très bien, peux-tu nous en dire davantage sur Goethe ? » Et la gamine de me dire : « C'était un écrivain allemand qui a écrit Les malheurs du jeune Werther, je crois ». Moi : « Oui, ce sont Les souffrances du jeune Werther, tu n'étais pas loin ». Et la gamine de poursuivre : « J'aimerais bien lire ce livre » ! Ok, ma belle, mais sais-tu qu'à sa parution ce bouquin déclencha une immense vague de suicides ?!!!!! Evidemment, je ne lui ai pas dit ça, je vous le dis à vous, comme ça, au passage ! Ce matin, j'ai simplement signalé à l'élève en question que ce n'était pas un livre très gai. Pas très facile non plus, surtout quand on démarre l'allemand !!! Mais bon, me voilà revigorée pour le week-end ! Dire que dans un autre bahut, un jour où j'avais, par écrit, évoqué la langue de Goethe, un élève avait levé le doigt et demandé : « Mais c'est qui, Goète ? » !!!!! Qui a dit que la culture était en péril dans notre beau pays ?!!!

23/08/2009

Ecoutez d'où ma peine vient...

Tout à l'heure, en allant au cinéma, j'écoutais Souchon chanter d'où sa peine vient... Et moi, ma peine, d'où vient-elle ? Vous le savez bien, n'est-ce pas ? Immense peine quand je pense que ma mère, qui aimait l'Allemagne à peu près autant que je peux l'aimer, immense peine quand je pense que ma mère ne verra pas les festivités autour des 20 ans de la chute du mur de Berlin... Immense peine quand je pense qu'elle ne sentira plus le rythme des saisons qui lui était si cher. Elle aimait le printemps qui insufflait une âme nouvelle à la nature, elle aimait l'été qui lui permettait de récolter ce qu'elle avait semé au printemps, elle aimait l'automne qui lui apportait d'autres joies : faire les vendanges, ramasser les noix. Elle aimait l'hiver qui lui permettait de se reposer du dur labeur qu'avaient engendré les trois saisons précédentes. Immense peine quand j'écoute une belle chanson et me dis qu'elle a été créée dans un monde dont ma mère est effroyablement et pour toujours absente... Immense peine quand je pense à tout ce qui m'a échappé d'elle, tout ce que je n'ai pas eu le temps, pas pris le temps de connaître. J'aime la phrase de Calaferte : « Je songe, attristé, à tout ce que j'aurai ignoré de toi »... Il y a bien longtemps, alors que j'accompagnais ma maman à l'hôpital pour une opération bénigne et l'attendais sur un banc, j'avais fondu en larmes. Un médecin, passant par là, m'avait consolée et dit d'une voix douce : « Une maman, ça ne se perd jamais ». Eh bien si, une maman, ça se perd. Parfois tellement vite, tellement brutalement que cela ressemble à une amputation. Voilà d'où vient ma peine... Actuellement, je lis toujours le livre de Joachim Fest, Ich nicht, et je suis tombée hier sur un passage qui m'a bouleversée. Fest dit en substance qu'il y a quatre gros événements dans une vie : la fois où l'on est submergé par la pureté d'un morceau de musique, le premier grand livre qu'on lit, le premier grand amour qu'on vit, et le premier deuil qui vient à jamais placer une cassure dans la vie. Et donner à celui qui endure ce deuil le sentiment de ce qu'on appelle en allemand le « unwiederbringlich », l'irrémédiable, l'irréversible... L'irréparable, en somme...