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02/10/2011

Das Zimmermädchen, un roman de Markus Orths

 

Lynn est femme de chambre dans un hôtel qui porte un nom prometteur : « Eden ». On sait qu'elle y trouve cet emploi peu de temps après une longue hospitalisation.
Lynn prend son travail très à cœur. Elle récure, elle nettoie, elle époussette, elle en fait même un peu trop. Peu à peu, elle s'immisce subrepticement dans la vie des autres. Elle ouvre une trousse de toilette, une armoire, une valise. Elle regarde quel pyjama porte tel ou tel client. Elle tire des conclusions de ses observations : qui porte un pyjama rose et des chaussettes jaunes la nuit est resté un enfant. Un pyjama de cette couleur, c'est un appel au secours ou presque. Une façon de dire : « je veux qu'on m'emmène au lit comme un enfant ». Monsieur se rase et laisse des poils dans le lavabo ? Voilà quelqu'un de négligent, qui ne fait pas attention aux autres.

Un mardi soir, alors qu'elle traîne encore dans une chambre et s'attarde sur des objets auxquels elle ne devrait pas toucher, elle entend des pas dans le couloir et sait immédiatement que cette fois, le client va faire irruption d'une minute à l'autre dans la chambre. Elle décide de se faufiler sous le lit. Dès lors, ce sera un jeu, un rituel : chaque mardi soir, Lynn se couche sous le lit de quelqu'un et devient une bien étrange voyeuse. Ou plutôt « entendeuse ». Car elle entend mais ne voit pas. Ou juste des pieds et des mollets.

Lynn a une vie très structurée. Le mardi, elle dort sous le lit d'un étranger. Le mercredi, c'est repos. Le jeudi, elle appelle sa mère. Le vendredi, elle voit son psy. Le quotidien est rythmé par ces immuables rituels. Lynn organise sa vie comme elle nettoie des chambres : minutieusement. Mais, à l'origine de tout cela, il y a le manque, bien sûr. Lynn s'ennuie. Les nuits qu'elle passe sous les lits de certains clients, ce sont des moments où elle vit par procuration.

Un très beau roman, où l'humour ne manque pas. Une belle réflexion sur les relations entre une mère et sa fille qui ne se disent pas l'essentiel, qui auraient bien besoin d'un « traducteur de sentiments ». Le roman s'achève d'ailleurs sur une scène émouvante dans la maison de la mère.

 

Das Zimmermädchen, vous l'aurez compris, est un livre à découvrir sur-le-champ !

03/07/2011

Rio Reiser

A mon grand regret, la musique allemande s'exporte mal. En France, on ne sait quasiment rien de ce qui se passe sur la scène musicale d'outre-Rhin. Quel dommage ! On se ferme des portes qui ouvriraient pourtant sur l'infini. La langue allemande se prête merveilleusement bien au chant, n'en déplaise à tous ces gens qui régulièrement voudraient me persuader du contraire. Impossible de déboulonner mes convictions ! L'allemand, je l'ai dans le sang !!

Cela fait quelques années déjà que de nombreux chanteurs allemands ont abandonné l'anglais au profit de leur langue à eux. Il y a vraiment des noms à retenir, il n'y a pas que Nena, Rammstein, Tokio Hotel (!) ou Nina Hagen. Que les curieux fassent des recherches sur Tim Bendzko, Bettina Wegner, Udo Lindenberg, Die Prinzen, Herbert Grönemeyer, Marius Müller-Westernhagen, Die toten Hosen, Rosenstolz, Element of crime, Wir sind Helden, Julie Neigel, ou encore Rio Reiser.

Rio Reiser, voilà un artiste qui compte beaucoup pour moi depuis de longues années. J'ai dû le découvrir en 2000. J'avais emprunté un CD de Ton Steine Scherben à l'institut Goethe de Nancy. J'avais adoré. J'en avais parlé à des amis allemands, qui m'ont alors offert des CD de Rio Reiser. Stupéfaction lorsque j'appris, de la bouche même de ces amis, que Rio Reiser était mort en 1996. Ce fut un réel choc. Je me suis alors jetée sur tout ce qui se rattachait à lui : ses disques, la bio qu'Hollow Skai lui a consacrée. Et je suis même allée aux archives Rio Reiser à Berlin, où j'ai été chaleureusement accueillie par un monsieur passionné et assez surpris de constater qu'une Française connaissait Rio Reiser !!

Rio Reiser. Voilà un homme qui vibrait d'une sensibilité débordante. Lorsqu'il était le chanteur de Ton Steine Scherben, il hurlait souvent sa révolte dans des textes très engagés. Ensuite, au cours de sa carrière solo, il écrivit de magnifiques chansons d'amour (« Junimond », « Für immer und dich », etc.). Mais pas seulement. Le chanteur n'a jamais rien perdu de son authenticité et de son envie de changer le monde. Il y a aussi cette sublime chanson, « Gefahr » (ma préférée, je crois) dans laquelle il se livre totalement et explique son mode de fonctionnement : lui aussi, comme Thiéfaine, il était « piments et alcools forts ». Ce qui l'intéressait, c'était la vie, la fièvre, brûler, goûter à tous les plaisirs, à tous les dangers (« Ich will Gefahr von A bis Z »). C'est sans doute cet appétit démesuré pour les excès qui l'a fauché en 1996, alors qu'il n'avait que 46 ans.

Aujourd'hui, quelques personnes s'attachent à faire vivre encore la poésie de Rio Reiser. Ainsi ce Rio Reiser Projekt, composé de quatre membres, et qui chantait hier à Sarrebruck au Theaterschiff. Le Theaterschiff, c'est une péniche qui se trouve sur la Sarre, juste à côté du théâtre de la ville. Grande émotion pour moi en voyant ces quatre artistes sur scène hier. Le chanteur vit les textes de Rio Reiser, on sent qu'il les a dans la peau, qu'il les interprète avec toute son âme, avec ses tripes. Ce fut vraiment une soirée magique pour moi ! J'en suis revenue avec l'envie folle de me replonger à corps perdu dans l'œuvre inépuisable de Rio Reiser. Quel dommage que l'on s'intéresse si peu à la culture allemande en France, quel dommage que l'on dénigre si souvent cette langue pourtant très poétique ! Si seulement, dans ma pratique quotidienne de prof d'allemand, je parvenais à faire sauter un peu tous ces préjugés !! C'est pas gagné...

 

02/02/2011

Der Tod meiner Mutter

 

Nous voici arrivés au début du mois de février. Dans cinq jours, cela fera deux ans qu'une absence glaciale me file régulièrement des coups de poignard dans le dos... Que je me réveille parfois en pleine nuit, hébétée, me disant : « Mais non, ce n'est pas possible ». Perdre sa mère, c'est perdre une immense partie de soi, c'est mourir un peu avec elle... Se regarder dans la glace et ne pas se reconnaître, parfois. Se dire que depuis que l'absence règne en maîtresse des lieux sur votre vie, vous n'êtes plus tout à fait le même. Sans être quelqu'un d'autre pour autant...

Notre grand rêve, à toutes les deux, c'était de retourner à Berlin. Bizarrement, peu de temps avant la mort de ma mère, j'ai fait des rêves dans lesquels je nous voyais désireuses, mais empêchées de retourner à Berlin... Des cauchemars effrayants...

Il y a quelques mois, j'ai lu Der Tod meiner Mutter, livre dans lequel le journaliste allemand Georg Diez évoque la curieuse période durant laquelle il avait, à quelques mois d'intervalle il me semble, perdu sa mère et eu son premier enfant. Un mélange étrange, le chagrin et le bonheur entremêlés... La vie est souvent ainsi faite, elle saccage et donne à la fois. Elle détruit et construit dans le même temps. On peut avoir perdu quelqu'un, en être profondément affecté, et s'émerveiller quand même devant la naissance d'un petit être fragile et attendu depuis de longs mois. On peut être dans l'affliction et ne pas se fermer pour autant aux joies de cette vie. Bien au contraire. On peut être radicalement transformé à l'intérieur, avoir perdu un des piliers de son existence, se dire qu'on ne pourra plus jamais se réveiller heureux, et s'étonner un matin de se lever le cœur en fête, pour un amour sublime et lumineux, pour une lettre ensoleillée, pour un poème offert...

L'absence continue à planer comme une ombre sur ma vie entière, et cependant, je me surprends parfois à être dans la joie totale, à me redécouvrir pleinement « lebensbejahend », dans tous les pores de ma peau... Je ne pense pas que ma mère en prenne ombrage, au contraire...