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22/07/2007

Katrin Saß

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Petite pause dans la présentation de la vie et de l’œuvre d’Heinrich Böll. Et là je prends sur moi pour ne pas balancer mon ordinateur par la fenêtre : il m’a bouffé la note que j’avais commencé à écrire ! D’ailleurs, j’avais presque fini, j’allais conclure, et tout a fichu le camp. Cela m’apprendra à ne pas passer au préalable par la marche normale : d’abord, je tape tout tranquillement, puis j’enregistre le topo dans le fichier « Cath », comme ça je suis sûre de ne rien paumer !

Bref, je ne sais même pas comment je fais pour rester calme à l’heure qu’il est ! Sans doute parce que je suis encore sous l’enchantement du livre de Katrin Saß !

Au fait, connaissez-vous Katrin Saß ? Il s’agit de l’actrice qui, dans « Goodbye Lenin ! » (film excellentissime !!), joue le rôle de la mère.

Katrin Saß est née en 1956 à Schwerin. Dès sa plus tendre enfance, elle se sentira appelée par les planches. Son rêve se réalisera assez vite : à 25 ans, un beau succès fait d’elle une des actrices les plus demandées de RDA. Car Katrin Saß vient de l’Est. Sa notoriété lui permettra de se faire quelques petites escapades (très surveillées quand même) à l’Ouest. En 1988, lors d’un séjour à Berlin-Ouest, l’actrice se demandera sérieusement s’il ne vaut pas mieux ne plus jamais remettre les pieds en RDA. Mais l’heure n’est pas encore venue, une petite voix intérieure l’en avertit et lui ordonne d’aller retrouver très vite son compagnon, Sigfried Kühn, resté en RDA.

Dans un livre qui est un pur bijou (malgré les nombreuses scènes pas roses qui le constituent), Katrin Saß se livre sans fard. Elle raconte les tours pendables des uns et des autres (par exemple l’ignoble trahison de cette soi-disant amie qui, durant de nombreuses années, se chargera de lui composer un dossier assez épais à la Stasi), sa rage récurrente contre le système policier de RDA, la gifle qu’elle prit le jour où elle apprit, de la bouche d’un collègue de sa mère, que son vrai père n’était pas celui qu’elle croyait. Elle évoque les « Montagsdemonstrationen » (= « les manifestations du lundi ») qui firent la charpente de la « friedliche Revolution » en Allemagne de l’Est et aboutirent à la chute du régime communiste. Elle nous dit sa passion pour Romy Schneider (je trouve d’ailleurs que ces deux actrices se ressemblent), sur la tombe de laquelle elle ira se recueillir après la chute du mur, s’excusant de n’avoir pas pu venir plus tôt… Le livre s’achève sur sa longue descente aux enfers et sa résurrection : durant des années, Katrin Saß va souffrir d’alcoolisme et refuser de se l’avouer. Elle se planque pour boire à volonté, elle use de mille ruses pour dissimuler sa maladie, mais, très vite, plus personne n’est dupe. La grosse claque lui arrive droit dessus lorsque Siegfried Kühn décide de la quitter. Sa proche famille (notamment son frère et sa sœur) la prennent alors en main et la confient à un centre de soins. La délivrance ne sera octroyée à Katrin Saß que le jour où elle osera cracher cet aveu : « Ich bin alkoholkrank » (l’expression allemande employée ici mettant bien en relief le caractère pathologique de la chose, puisque « krank » signifie « malade »). Elle quitte le centre de désintoxication et s’en retourne vivre auprès de Siegfried Kühn. Elle dit pourtant que ni lui, ni elle ne croyait alors à la guérison. Mais si, le miracle inespéré se produit, et Katrin trouve enfin le repos mérité, après des années de tempête.

Le livre s’intitule «Das Glück wird niemals alt », ce qui signifie « Le bonheur ne vieillit jamais ». A Berlin, dans la belle boutique « Alles über Berlin », ce titre avait attiré mon regard. Je me suis souvent demandé ce que Katrin Saß entendait par là. C’est la dernière phrase de son autobiographie qui nous livre la clé du mystère : « Wieder konnte ich das Glück nicht lange halten, doch es ist gut, so wird es niemals alt ». (« A nouveau, je ne pus tenir longtemps le bonheur, mais c’est bien, ainsi il ne vieillit jamais »).

Hier soir, j’ai cherché d’autres renseignements sur Katrin Saß. Pour cela, internet est une mine ! Et j’ai lu qu’il y a deux ou trois ans, l’actrice avait confié à un public venu à sa rencontre pour une lecture : « Cela fait neuf ans que je n’ai pas touché une goutte d’alcool ». Et de répondre, à quelqu’un qui lui demandait si elle s’en voulait d’avoir pu sombrer ainsi : « Nein. (..) Wer nie am Abgrund stand, dem wachsen keine Flügel ». Ce qui signifie (je suis nulle en traduction, mais je vais faire un effort) : « Celui qui n’a jamais été au bord du gouffre, il ne lui pousse pas d’ailes ». Joli, non ?

21/07/2007

Heinrich Böll (suite)

Il est caractéristique de l'écrivain qu'au moment où il prend fait et cause, dans ses romans, pour l'individu, il cherche en même temps, par ses essais, ses discours, ses articles, à conjurer la solitude de l'artiste : "uni à mes contemporains, mais sans allié". Il prend ouvertement position pour le parti social-démocrate tout en ne lui ménageant pas ses critiques, en particulier en ce qui concerne son attitude vis-à-vis des extrémistes politiques. Il soutient le combat des écrivains des pays de l'Est pour la liberté d'expression tout en menant en même temps une polémique féroce contre le groupe de presse Springer. Dans Die verlorene Ehre der Katharina Blum (L'honneur perdu de Katharina Blum) et Wie Gewalt entstehen und wohin sie führen kann (Comment peut naître la violence et où elle peut conduire), Böll poursuit cette polémique. En 1975, Schlöndorff réalisa l'adaptation cinématographique du roman Die verlorene Ehre der Katharina Blum. L'avertissement révèle la portée de la fable : "L'action et les personnages de ce récit sont imaginaires. Si certaines pratiques journalistiques décrites dans ces pages offrent des ressemblances avec celles du journal Bild, ces ressemblances ne sont ni intentionnelles ni fortuites, mais tout bonnement inévitables". Intrigue exemplaire : une jeune femme, victime d'une campagne de presse menée par un journal à sensation, assassine le journaliste responsable de la diffamation. Ce meurtre se situe non à la fin, mais paradoxalement au début du récit. Nous suivons l'enquête d'un narrateur soucieux d'objectivité qui cherche à reconstruire le processus de la violence. Il apparaît très vite que le sujet premier est ici le langage, comme instrument démagogique, véhicule de la violence elle-même. Plaidoyer pour retrouver le poids des mots.

20/07/2007

Heinrich Böll (suite)

Böll utilise avec métier toutes les ressources du genre pour construire ses variations sur un même sujet : l'ironie du sort, l'impuissance de l'individu devant l'Histoire. Ces récits lui valent de recevoir, en 1951, le prix du Groupe 47 : début de la notoriété. Le premier roman de Böll, Wo warst du, Adam? (Où étais-tu, Adam? 1951), traite encore de la guerre. La guerre vue comme une peste qui afflige l'humanité. Avec les romans suivants, Und sagte kein einziges Wort (Rentrez chez vous, Bogner, 1953) et Haus ohne Hüter (Les enfants des morts, 1954), l'écrivain se tourne vers "l'après" : de la difficulté à recommencer pour ceux qui  n'ont plus de père, de modèle, qui ne se "trouvent" plus, même avec le secours des idéologies ou de la religion. Dans Billard um halb zehn (Les deux sacrements, 1959), Böll soutient un projet encore plus ambitieux : raconter l'Histoire contemporaine à travers l'histoire privée d'une famille. La technique narrative élaborée à cet effet fut diversement appréciée. D'aucuns citèrent par exemple le "nouveau roman", tandis que d'autres jugèrent "artificielle cette manière de projeter sur la famille Fähmel des références à l'Allemagne wilhelmienne, fasciste ou fédérale".
On aurait pu croire que Böll resterait prisonnier du misérabilisme de la "Trümmerliteratur" (littérature des ruines), partagé par toute une génération d'écrivains. Or, son oeuvre prend un essor nouveau avec Ansichten eines Clowns (La grimace, 1963). Le romancier prend ici ses distances à l'égard de la "restauration" en RFA : bonne conscience et conformisme intellectuel sur fond de miracle économique. Le héros, Hans Schnier, préfère la sincérité du clown à l'hypocrisie de l'honnête homme : il affirme la prétention inouïe de vouloir préserver sa liberté d'individu sous le costume du bouffon. Attitude qui est le fruit d'une vision désabusée de la société, quelque forme qu'elle emprunte : le clown caricature avec la même virulence la bourgeoisie catholique rhénane et les fonctionnaires politiques de la République Démocratique. Attitude narcissique : le clown est entouré de miroirs où il ne rencontre que sa propre image. Böll dessine ici un portrait résigné de l'artiste.

Suite au prochain numéro!

Source : comme hier!

 

Quelques mots d'Heinrich Böll :

-sur ce qui l'a inspiré dans son oeuvre : "All das und was ich auf der Straße gesehen, gerochen, gehört habe, hat mich beeinflusst".

 

-sur sa paresse : "Manches scheitert bei mir auch an der Faulheit. Ich sitze irgendwo, lese ein Buch oder unterhalte mich mit Freunden oder sehe fern oder bin im Kino und denke : Mensch, eigentlich müsstest du jetzt das und das machen, arbeiten, und dann denk ich : nein, und dann ist es weg, vieles ist weg; wahrscheinlich ist es sogar gut so".