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23/06/2009

Anna

 

P1010493 [640x480] [50%].JPGQuand j'étais enfant, je passais toutes mes vacances en Bretagne. Eté : Bretagne. Toussaint : Bretagne. Février : Bretagne encore ! Pâques : Bretagne toujours ! Mon Breton de père avait décrété que nous n'irions jamais ailleurs, question de principe ! Surtout, il avait suivi ma mère en Lorraine et y passait les trois quarts de son temps. Alors, dès qu'il était en congé, direction les Côtes d'Armor, que j'ai même connues sous l'appellation « Côtes du Nord » ! Nous allions toujours au même endroit, dans un village paumé du 22... Où les gens avaient des voitures invraisemblables, qu'on ne voyait plus que dans le 22, justement ! Un village où l'alcool faisait des ravages dans la population. Où la plupart des gens s'exprimait dans une langue que ma mère, mon frère et moi ne comprenions pas. Mais que mon père maîtrisait très bien, lui ! Quand il se mettait en colère, il ne connaissait que le breton, par exemple !

Un bled paumé où nous nous éclations quand même à fond. Un endroit qui nous réservait toujours des surprises. Parfois, c'était Byzance : tous mes cousins y passaient leurs vacances en même temps que nous. Parfois aussi, il y avait de nouveaux visages. Souvent des gamins d'autres régions de France qui venaient passer leurs vacances chez leurs grands-parents. Et c'est ainsi que j'ai beaucoup joué avec les petits-enfants d'une certaine Marguerite et ceux aussi d'une certaine Lucie. Pour ajouter au charme de l'endroit, il y avait la mer à 30 kilomètres, alors qu'aurait pu demander le peuple ?!

Puis, la crise de l'adolescence aidant, je n'ai plus tellement voulu suivre mes parents. A partir de 17 ans, je ne suis plus allée en Bretagne. Pendant les vacances, je restais en Lorraine avec ma grand-mère maternelle, mes parents se rendaient seuls au bout du monde !

Puis, un jour, la nostalgie. L'envie folle de revoir ce lieu insolite ! C'était en 1994, si mes souvenirs sont bons. En me voyant arriver, Lucie s'était écriée : « C'est pas vrai, c'est toi, c'est bien toi ? » Il y avait belle lurette que ses petits-enfants ne venaient plus passer leurs vacances en Bretagne... Pauvre Lucie, qui avait perdu un fils et ne s'en était jamais remise. Pauvre Lucie, qui me disait parfois (je cite tellement c'est amusant et pur) : « Comment je fais, moi, avec mon mari qui est sourd à la maison ? » !!!! Pauvre Lucie, morte il y a quelques années déjà. Sa fille avait pris soin de me prévenir, me disant que toujours Lucie avait parlé de moi, et qu'elle était fière de moi. Et moi donc, qu'est-ce que j'étais fière d'elle ! Fière d'être son amie !

Et puis, il y avait Anna. Elle, je n'ai jamais joué avec ses petits-enfants. Mais je la connaissais bien. Elle s'était mariée avec un Parisien (d'ailleurs, on l'appelait « le Parisien » !!), mais restait attachée à son village d'origine. Pendant longtemps, ils ont tous deux fait la navette entre Paris et la Bretagne. Jusqu'au jour où leurs forces sont allées s'amenuisant et où ils ont décidé de poser définitivement les valises dans les Côtes d'Armor. Anna et son mari, Yves, je les ai toujours considérés comme les philosophes des lieux ! A partir de 1994, je suis retournée très régulièrement à Lohuec (le nom est lâché !) et je ne manquais jamais de leur faire une petite visite. Anna me parlait de ma grand-mère paternelle, dont elle avait été la grande amie. Et cela tombait bien car moi, cette grand-mère, je ne l'ai jamais connue. Pour des raisons assez sombres. Elle est morte quand j'avais une douzaine d'années, mais nous avons toujours eu interdiction de l'évoquer. Mon père ne le souhaitait pas, pour des raisons qui lui étaient propres et que nul ne peut juger... Bref... Anna. Une force de la nature. Qui m'a toujours adorée plus que de raison. Et que j'adore aussi, à un point qu'elle ne peut même pas imaginer ! Quand j'arrive chez elle, ce sont toujours les effusions. Et quand je repars en Lorraine, je lui rends une traditionnelle visite d'au revoir, en espérant que ce ne sera pas un adieu. Car Anna a 93 ans, quand même ! Et nous nous quittons des larmes plein les yeux, et Anna me dit : « Tu ne reviens pas assez souvent ici ». Anna à qui j'ai téléphoné, en larmes, en février, pour lui annoncer la mort de ma mère. Anna qui pleurait presque avec moi, je l'ai senti à sa voix. Anna qui m'a dit : « Mais viens donc faire un tour en Bretagne dès que tu peux, cela te fera le plus grand bien ». Anna qui m'a dit aussi : « Ne sombre pas, tu es maman toi aussi, bats-toi ».

Alors, ma chère Anna, ma philosophe, cet été, tu vois, je vais être raisonnable et suivre ton conseil : je viendrai à Lohuec. Début août. Tiens bon, je t'en supplie. Jusque là et plus encore...

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