Compteur

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

28/04/2009

"Melancholische Abschiedsstimmung"...

 

Quand j'aime un livre, je déteste le refermer définitivement. Et c'est comme si j'en sirotais les dernières pages encore plus que les autres. Comme si je prenais mon temps, tout à coup, afin de prolonger l'instant magique. Celui de la lecture. La lecture qui n'est rien d'autre qu'une rencontre. Ou plutôt de multiples rencontres. Avec un autre être, avec d'autres façons de penser, avec d'autres mondes. Le virus de la lecture m'est venu très tôt. Dès que j'ai su lire, je crois, je me suis nourrie de mots ! Et, depuis l'âge de huit ans, j'ai précieusement gardé Les Contes bleus du chat perché, de Marcel Aymé, livre à la fin duquel j'avais écrit d'une main maladroite : « Ce livre était beau merci maman et Marcel Aymé » (sans virgule, sans point !!). Je crois que ces mots résument finalement bien les choses : à la fin d'une belle lecture, on peut remercier l'auteur du livre et également celui ou celle qui nous l'a fait découvrir. Cela peut être soi-même aussi !

Aujourd'hui, très solennellement, je remercie Hape Kerkeling ! Son livre retraçant toutes les aventures et mésaventures qu'il a vécues lorsqu'il s'est rendu à Saint Jacques de Compostelle est une pure merveille. Que l'on croie ou non en Dieu, on referme le livre avec un petit éblouissement dans les yeux, une étincelle dans le coeur. L'envie d'y croire, un peu comme Jacques Brel qui, dans son « Dites, si c'était vrai », semblait implorer Dieu d'exister !

Magnifique livre, donc, que ce témoignage de Hape Kerkeling. Etrangement, en l'ouvrant, je me posais quelques questions. Etrangement, en le lisant, je me suis rendu compte que souvent Hape Kerkeling me livrait à sa façon des réponses à ces mêmes questions. Drôle de truc, vraiment. Mais je n'invente pas.

Chaque livre que l'on ferme est à mes yeux une préfiguration de la mort. C'est un véritable déchirement, un glas qui sonne. Bien sûr, on peut toujours se dire qu'on a le droit de relire le livre en question, mais si la vie ne nous en laissait plus le temps et le loisir ? En refermant un livre, on ressent en soi et tout autour de soi ce que Hape Kerkeling, devant quitter ses deux compagnes de pèlerinage, nomme une « melancholische Abschiedsstimmung »... Et aussi une immense joie, celle de se dire que désormais, on a un livre de plus ancré dans le coeur... Ben oui, je tombe dans la guimauve, mais pour moi la lecture n'est rien d'autre qu'un immense acte d'amour !

19/04/2009

Ich bin dann mal weg (un livre de Hape Kerkeling)

Ich bin dann mal weg 

Un peu d'optimisme, pour changer. Et retour au but premier de ce blog, à savoir parler de l'Allemagne et de ce qui s'y rattache.

Il y a quelques années, un certain Hape Kerkeling, personnalité de la télévision allemande, faisait un tabac avec un livre racontant son voyage sur le chemin de Saint Jacques de Compostelle. Ce livre m'a toujours intriguée. Dernièrement, je l'ai acheté à Sarrebruck, la ville bien sympa dans laquelle je fais très souvent mes emplettes littéraires. Et c'est un vrai bonheur que cette lecture ! On a l'impression de vivre les pérégrinations de l'auteur. On vit au rythme de ses doutes, de ses enthousiasmes, de ses coups de fatigue aussi. Il lui arrive toutes sortes d'aventures sur ce long chemin. Il rencontre également toutes sortes de gens. Des farfelus, des pénibles, des sympas. Et chacun, à sa façon, lui apporte quelque chose. Hape Kerkeling sait tirer profit de chaque expérience. Mieux : il l'accueille en la bénissant, en s'y plongeant corps et âme.

En ouvrant ce livre, je crois que j'étais avide de consolation en ces temps difficiles. Et de spiritualité aussi. Les événements des mois passés m'ayant laminée, j'ai du mal à trouver encore un sens à nos tribulations en ce bas monde. Le livre de Hape Kerkeling m'est donc tombé à point nommé entre les mains. En voici deux passages que je trouve particulièrement savoureux :

 

« Wer erleuchtet werden will, muss wahrscheinlich erst mal das totale Gegenteil erleben : die Verfinsterung ».

 

« Während meines Weges hab ich mich immer wieder gefragt, was eigentlich Leiden ist. Am Ende ist Leiden doch ein 'Nicht-Verstehen'. Und wenn man etwas nicht versteht, muss man Vertrauen haben ».

 

Ces mots ont une résonance particulière en moi. Hape Kerkeling se demande en chemin ce qu'est réellement la souffrance. Réponse : la souffrance, c'est une « non-compréhension » (cela ne rend vraiment pas en français !!). Et quand on ne comprend pas quelque chose, il faut avoir confiance. C'est bête, mais ces quelques phrases m'ont presque réconciliée avec la souffrance accumulée ces derniers temps. Souffrance que je n'ai pas comprise. Mais il paraît qu'il faut avoir confiance... Merci, monsieur Kerkeling ! En tout cas, moi qui me disais vaguement qu'un jour je ferais le « Jakobsweg », j'ai compris aussi, en lisant ce livre, que cette expérience n'était pas pour moi !!

13/04/2009

La traversée

Voici deux extraits de La traversée, roman de Philippe Labro dont j'ai parlé ici dernièrement :

 

« Interrogation :

Que deviendront les enfants ? Quel effet pourrait avoir sur eux, à leur âge encore si frêle, la perte d'un parent ?

Comment leurs goûts, leurs rires, leurs amitiés, leur vocation, leurs amours, leur enseignement, leur grâce, leur physique seront-ils affectés par ce départ inattendu ? Tout, chez un être jeune, peut être radicalement bouleversé par cette sorte de fracture. Le deuil inopiné transforme tout, jusqu'au rire, jusqu'aux mouvements des mains, jusqu'au langage des yeux et du corps. J'ai eu la chance d'atteindre l'âge que l'on dit adulte avec un père vivant, une mère vivante. Mon père est mort à l'âge de quatre-vingt-dix ans et cela ne pouvait pas constituer une surprise, un choc. Mon chagrin a été à la mesure de ma préparation. Ce chagrin, et l'idée que je m'étais faite de l'inévitable déclin de l'homme que j'avais aimé, craint et respecté. Le temps m'avait laissé tout le temps nécessaire pour m'accoutumer à l'événement. Je le regrette toujours, mais la peine a été douce, d'une certaine façon. Or, s'il devait, tout à l'heure, se passer quelque chose de fatal, comment les enfants subiraient-ils et vivraient-ils cet inattendu ? Ce à quoi rien ne les a préparés ? »

 

« Après quoi, vous pouvez prendre du recul, vous asseoir face au feu et le regarder.

Dans le spectacle des flammes défile l'éphémère de toute chose et danse l'image même de la vie : belle, multicolore, irrégulière et pointue, tout en montées et en descentes, dangereuse et fragile, insaisissable et pourtant présente, fugace et pourtant concrète, déchirant l'espace et le vide autour d'elle, imprévisible et captivante, blessante et cruelle, parfois hésitante et parfois conquérante, et qu'il faut sans cesse alimenter, renouveler, entretenir, enrichir, soutenir, relancer, et qu'il faut aimer tant que durent les flammes, tant que l'on peut et que l'on doit nourrir les flammes, jusqu'au dernier écho de la dernière braise, jusqu'à l'ultime rougeoiement sous le gris de la cendre, jusqu'à ce qu'il n'y ait plus que de la cendre, encore chaude, et que commence alors, peut-être, l'ultime et véritable traversée. »